Le projet Espace limite ou Seuils est un espace dont la température varie de 25 à 43 degrés Celsius. En tant que températures internes du corps, elles marquent les extrêmes limites d’hypothermie et d’hyperthermie, celles à partir desquelles l’homme meurt par le froid et par la chaleur. Les changements de température entre ces deux « seuils » sont traduits en lumière.
A 25°C et en dessous l’homme meurt d’hypothermie : Lumière blanche.
De 25 à 31°C l’homme se trouve en zone dite "critique", il est en situation de mort apparente et peut mourir en n’importe quel moment. Cette "zone critique" est traduite en 2 parties :
De 25 à 28°C : Lumière bleue claire.
De 28 à 31°C : Lumière bleue foncée.
De 31 à 36°C l’homme se trouve en état d’hypothermie : Lumière mauve.
De 36 à 39°C, sont les températures dite "normales" de l’homme : Lumière rouge.
De 39 à 41°C l’homme se trouve en état d’hyperthermie : Lumière orange.
De 41 à 43°C l’homme se trouve en zone dite "critique", il est en situation de mort apparente et peut mourir en n’importe quel moment : Lumière jaune.
A 43°C et au delà l’homme meurt d’hyperthermie : Lumière blanche
Cette installation thermique et lumineuse est un paradoxe, une sorte de gant retourné qui excite nos sensations et nous fait voir et vivre physiquement nos propres limites.
Cette œuvre se situe dans la continuité d’un projet imaginé depuis plusieurs années pour l’espace public, à forte dimension sociale et politique.
Espace limite est un sas, une chambre claire rectangulaire aux murs blancs (2,50m le côté), installée à mi-chemin entre les deux espaces d’exposition des Grandes Galeries (Aître Saint-Maclou). Cet espace accueille le public par ses deux ouvertures - à la fois entrées et sorties -, à peine voilées par les bandes transparentes suspendues. Du dehors, on voit le volume du seuil, lieu de passage, où on s’attarde un instant. Du dedans, la vision se diffracte, elle se fait sensation corporelle ; froideur ou chaleur, lumière diffuse, expérience de la solitude ou de la compagnie des autres. Mais dehors et dedans sont en même temps inversés, puisque cette chambre claire, modulée par l’effet de la chaleur humaine, par la présence physique plus ou moins dense des corps, devient l’image aux couleurs arc-en-ciel des deux limites d’endurance interne du corps au froid et à la chaleur. Hypothermie et hyperthermie sont visualisées par la lumière blanche, et entre les deux on peut voir s’activer le spectre des couleurs avec leurs nuances : bleu, mauve, rouge, orange, jaune. Autrement dit, il nous est donné à sentir et à voir un invisible, les seuils thermiques qui, si atteints par notre température interne, nous seraient fatals. Dedans et dehors sont permutables : l’invisible de l’expérience thermique et communautaire dont chacun de nous est sujet, est donné à voir sur fond de murs blancs par les seules modulations de la lumière néon diffusée du plafond : effet conjugué du chauffage et du nombre des corps dans le sas. Cette dialectique thermique est également présente dans la tension entre la chaleur du bois ayant servi à la construction du sas, et la froideur apparente de la couleur blanche des murs et de l’installation électronique. Le chauffage, placé dans le coin, permet d’obtenir et de visualiser les variations thermiques extrêmes, mais il semble que le véritable propos de l’installation, aussi esthétique que social, consiste à montrer la force vitale de nos relations avec les autres. Tout comme la solitude extrême renvoie à la froideur de l’hypothermie, la surpopulation du sas ne peut qu’entraîner l’hyperthermie. Sur fond de lumière et d’ombre pointent autant de questions qui jettent une lueur aux couleurs changeantes sur la façon dont nous investissons nos lieux de vie, sur la justesse de nos rapports aux autres, sur la bonne température de nos relations.
Tania Vladova